Rencontre au pied de la Gedächtniskirche

Ce projet illustre le changement traversé par la Gedächtniskirche au fil du temps a travers deux personnages fictifs et d´un dessin représentant l´édifice actuel.

Durch zwei fiktive Personen und eine aktuelle Zeichnung illustriert dieses Projekt die Veränderung der Gedächtniskirche im laufe der letzten Jahrzehnte


Soulagée de laisser derrière elle l’atmosphère oppressante des souterrains, la jeune fille se vit dans l’obligation de se frayer un chemin à travers la foule, serrant contre elle son matériel de dessin. Survolant la rue commerçante du Kurfürstendamm, son regard se posa enfin sur l’objet de sa venue : l’imposant bâtiment de la Gedächtniskirche.
Ayant trouvé un endroit calme avec une vue idéale, prête à laisser son inspiration l’emporter, elle se mit au travail. Le bâtiment s’avéra être bien plus subtil a reproduire qu’elle ne l’aurait imaginé. Il lui semblait que des centaines de petits détails se cachaient au sein des façades détruites, essayant en vain de lui échapper. Pourtant c’était chacun d’eux qui donnaient à l’église son originalité et sa beauté.
Elle ne pensa d’abord pas à adresser la parole à ce passant, mais l’homme restait posté silencieusement. Elle se décida alors à lui parler ;
« Le dessin est-il un art auquel vous portez aussi de l’intérêt ? »
L’homme esquissa un sourire, et finit par répondre.
« Non, pas particulièrement, mais j’apprécie tout ce qui est beau. » puis il ajouta : « Si je peux me permettre, je ne m’y connais pas très bien, mais je trouve ton dessin un peu modeste, un peu banal… Cette église était à l’époque si majestueuse ! »
La jeune fille parut tout d’un coup intéressée, ses connaissances sur l’histoire du bâtiment étaient peut-être plus riches que les siennes.
« L’auriez-vous connu avant sa destruction ? »
L’homme parut songer un moment.
« Non, malheureusement très peu… Mais mes parents m’en ont beaucoup parlé durant mon enfance. J’avais à peine sept ans lorsqu’elle fut touchée pour la première fois par des raids aériens le 25 novembre 1943. Nous habitions quelques rues non loin de là et nous nous étions réfugiés chez des amis afin d’éviter les bombardements. A notre retour, l’église qui surplombait l’une des plus grandes places de la capitale allemande avait été détruite dans sa quasi-totalité, seuls l’entrée, l’abside, le mur d’enceinte et le clocher avaient survécu au massacre. »
La jeune fille sentit que ce souvenir était douloureux au vieillard, qui parlait posément, en homme qui a appris à vivre avec les misères du passé. Elle n’osait plus reprendre la parole, un peu gênée, mais d’un regard en biais le vieil homme compris, à l’œil désolé et attentif de la jeune fille, qu’elle souhaitait entendre la suite.
« Après cet incident nous avons déménagé, il faut dire que notre maison avait presque subit le même sort que l’édifice. La tombée de la flèche, qui devait à l’époque s’élever à 100 mètres de hauteur, a causé des répercussions dans les maisons environnantes. Les secousses ont provoqué la chute du toit, la fissuration et la destruction des murs. Vous vous rendez compte ! Un bâtiment qui avait seulement 67 ans ! »
La dessinatrice fit un rapide calcul dans sa tête, la posée de la première pierre datait donc de 1891.
Encore une fois victime de son manque de culture générale, elle dût demander à quelle occasion avait été érigée cette église.
« Elle a été construite sous les ordres d’un certain Guillaume II, qui lui avait d’ailleurs attribué une réelle particularité : son sein était illuminé de magnifiques mosaïques, environ 3000 m² en recouvrait le plafond. Je vous avouerais que celles-ci et tout particulièrement le toit de l'église, avec sa couleur bleutée représentent pour moi les éléments favoris de l'église. »
La jeune fille l'observa et lui trouva effectivement un certain charme malgré le temps et le fait qu'il ait été à moitié démoli. Puis elle comprit alors la raison pour laquelle les nouveaux bâtiments présentaient autant de ces cellules colorées. Elle fût interrompue dans sa contemplation par un souffle du vieil homme.
« Si vous saviez, je n’aurai jamais imaginé que tout se passerait aussi vite ! Une soixantaine d’années plus tard, l’ambiance générale de cette rue a totalement changé. Cette longue avenue qui menait à l’église est maintenant enfouie sous les magasins de vêtements et sous les restaurants fast-food dont on sent les effluves jusqu’ici ! »
« Ne soyez pas si pessimiste, cette place présente tout de même des aspects avantageux ! Rien qu'en hiver par exemple, l'ambiance est assez chaleureuse et on y rencontre de formidables personnes de tous les horizons. »
« Vous avez raison de voir les choses d'un œil positif, il y a malheureusement longtemps que j'ai perdu cette habitude… Bon je ne vous dérangerai pas plus avec mes plaintes de vieil homme, ça a été un plaisir de vous rencontrer, vous avez un réel talent, ne le laissez pas filer entre vos doigts. »
Elle regarda l'homme s'éloigner et d'un coup de pinceau lui dédia son dessin en colorant le toit. 






Solène Legrain, Lupo Schopferer, Juliette Leyvraz